Au Plateau, une exposition d’énigmes sans réponses

Le Plateau, espace d’expositions parisien du Frac Île-de-France, réunit jusqu’au 23 avril les œuvres de six artistes contemporaines autour d’une esthétique énigmatique : l’image s’y comporte comme un médium définitivement mystérieux.

Bien que de nombreux objets présentés dans l’exposition “L’Irrésolue” semblent plus ou moins reconnaissables, ils sont teintés d’une sorte d’étrangeté qui témoigne de leur pouvoir de transformation et d’émancipation. Ainsi, dans la première salle du Plateau, on découvre le travail de Céline Vaché-Olivieri (née en 1978, France) qui présente une compilation de boîtes en carton disposées sur une table en plexiglas, rappelant un tapis de marchandises. Après avoir été collectées dans la rue, ces boîtes ont été enveloppées dans plusieurs couches de matériaux tels que du latex teint ou du papier mâché. Le plexiglas utilisé pour fabriquer la table contraste avec les boîtes, offrant une image inverse de celles-ci et montrant une certaine réversibilité. Dans la même pièce, les peintures d’Éléonore Cheneau (née en 1972, France) se déploient devant nous, reflétant l’utilisation de la réversibilité et du hasard par l’artiste. Cheneau explore la manière dont quelque chose peut être créé sans image préalable. Ses peintures naissent d’une sorte de dialectique, qui tient aux gestes spontanés avec lesquels elle peint, ainsi qu’aux nombreuses couches avec lesquelles elle compose ses tableaux.

Dans la deuxième partie de l’exposition, le travail de Céline Vaché-Olivieri réapparaît, cette fois-ci sur une série de carreaux disposés au hasard, sur lesquels sont gravés plusieurs récits. L’histoire a différentes lectures, non seulement parce qu’elle n’a ni début ni fin, mais aussi en raison des manipulations effectuées sur les carreaux en dehors des heures d’ouverture de l’exposition. Camille Brée (née en 1992, France), quant à elle, fait respirer l’espace en présentant de fines ouvertures dans deux des murs de la galerie. Une lumière rouge est projetée de l’intérieur vers l’extérieur, nous invitant à nous approcher. Pourtant, nous ne pouvons accéder à l’intérieur que par notre imagination. Dans son travail, l’artiste utilise la lumière comme s’il s’agissait d’un signe dont on ne sait pas s’il est destiné à indiquer un danger ou quelque chose à aborder, nous faisant réfléchir sur les relations entre présence et absence, entre extérieur et intérieur, entre désir et danger. Nadia Belerique (née en 1982, Canada) réalise des sculptures miniatures, évoquant l’espace de la maison. Ainsi, ses pièces en plexiglas sont disposées sur le sol comme s’il s’agissait d’habitations-jouets. Par un jeu de déplacements du contexte et de la forme, l’artiste canadienne réussit à nous faire réfléchir sur nos propres conditions de vie. Cette analogie enfantine trouve un écho dans le court-métrage présenté par la vidéaste Leslie Thornton (née en 1951, États-Unis), qui questionne les codes du genre en nous montrant une petite fille qui échappe aux diktats des adultes.

Joanna Piotrowksa (née en 1985, Pologne) occupe la dernière salle du Plateau avec une vidéo et une série de photographies qui traitent de la nature multiple de ce qui nous entoure. Dans son film, elle montre deux femmes jouant avec des objets destinés à l’origine aux animaux, leur conférant une totale ambiguïté. D’autre part, dans sa série de photographies en noir et blanc, elle montre des corps se protégeant de la violence venant de l’extérieur, établissant une analogie entre la vision humaine de l’abri et l’abri tel que conçu par les animaux. Par le constat de la violence qu’on exerce sur les autres, l’artiste nous amène à nous interroger sur notre tendance à nous laisser conditionner par notre entourage, ainsi que sur notre capacité à nous émanciper. À travers la présentation du travail de six artistes contemporaines, Anne-Lou Vicente, commissaire de l’exposition, a voulu attirer l’attention sur l’importance d’un regard ouvert, libre de tout préjugé. Malgré leur utilisation très diverse de différents médias et techniques, les artistes présentées dans l’exposition ont en commun un caractère d’inachèvement, qui fait que le chemin de la narration ne soit pas du tout déterminé à l’avance. Ainsi, la lecture de ces œuvres devient plurielle et imprévisible, suscitant la curiosité des spectateurs. 


Exposition collective “L’Irrésolue”
Jusqu’au 23 avril 2023 at Le Plateau
22, rue des Alouettes – 75019 Paris
fraciledefrance.com


Céline Vaché-Olivieri, Collapsing Boxes, 2022, courtesy of the artist and Adagp

Eléonore Cheneau, Dive, 2019-2022, courtesy of the artist and Adagp

Camille Brée, PATTERN PARTNERS, 2022, courtesy of the artist © Bruno Lopes

Nadia Belerique, SLICE, installation (détail), 2022, courtesy of the artist and Daniel Faria Gallery © Max Slaven

Joanna Piotrowska, Animal Enrichment, 2019, courtesy of the artist and Phillida Reid Gallery

Joanna Piotrowska, Mouse Teeter, 2019, courtesy of the artist and Phillida Reid Gallery

Leslie Thornton, Jennifer, Where Are You?, 1981, courtesy of the artist and The Film-Makers’ Cooperative

Still from Distruktur, CAT EFFEKT, courtesy of the artists and The Film Gallery

Au Plateau, une exposition d’énigmes sans réponses