4 questions à Camille Soualem

Dans ses peintures comme dans ses sculptures, Camille Soualem (née en 1993, France) rend compte d’une lutte contre ce qui nous inhibe et nous paralyse. Dans sa nouvelle exposition à la galerie Exo Exo, ses œuvres se déploient devant nous sous une double forme, tant comme des armes ou des mécanismes de défense que des miroirs ou des instruments de prise de conscience. En d’autres termes, comme de puissants outils de réflexion et d’émancipation.

Dans tes peintures, le corps nu apparaît dans toute sa transparence, sans complexe, contrairement aux représentations idéalisées des canons habituels. Pourquoi est-il si important pour toi ?

Camille Soualem : Le corps est toujours à la racine de mon travail, c’est le point commun de tous les êtres vivants. C’est aussi un puissant outil de libération : l’observer, le soigner, le connaître, l’habiter, l’affirmer, le transformer. Je m’intéresse à la relation entre le corps et l’esprit : les corps pensent et les pensées elles-mêmes sont des corps.

Dans ton exposition “Aiguiser nos larmes”, tu sors de ta pratique picturale habituelle et de la figuration pour explorer à la fois la sculpture et l’écriture. Comment en es-tu arrivée là ?

Camille Soualem : J’ai toujours eu une pratique d’atelier polymorphe, faite de réflexions bricolées, de bout de phrases juxtaposées sur des dessins, de fragments de récits peints sur des objets. Cela m’a pris du temps pour trouver des formes et des médiums qui me conviennent. Pour cette exposition j’avais envie que les œuvres puissent communiquer et se répondre, tout en incluant les visiteurs.

Tu reprends ici un élément largement représenté dans l’histoire de l’art : le miroir. Que représente cet objet pour toi ?

Camille Soualem : C’est vrai que l’association des miroirs et de la représentation du corps féminin est un grand classique de l’histoire de la peinture occidentale. Il y a eu, d’une part, des artistes hommes qui ont représenté des femmes avec des miroirs pour symboliser leur vanité. Mais en parallèle, il y a eu une autre histoire souvent oubliée de femmes artistes qui n’avaient pas accès aux mêmes moyens de production que les hommes et qui ont travaillé l’autoportrait à l’aide du miroir. Dans l’exposition chez Exo Exo, les miroirs sont des armes et des objets de méditation. Je voulais aussi que le reflet des visiteurs soit inclus dans l’exposition. Le miroir est aussi un objet présent dans mon atelier. Je l’utilise pour regarder mes peintures dans son reflet, c’est un très bon test pour voir les déséquilibres de la composition. Il me sert aussi à observer mon corps pour construire mes personnages. Cette action de se regarder m’évoque le mouvement féministe des année 70 avec l’auto-examen gynécologique et le « self-help » comme des outils d’émancipations.

Quels artistes ou mouvements t’inspirent particulièrement ? 

Camille Soualem : Je peux être inspirée par beaucoup de choses, pas seulement par l’art. Ces dernières années, j’ai beaucoup regardé la scène américaine contemporaine, où il y a un vrai engagement du côté de la figuration, avec des peintres comme Coady Brown, Naudline Cluvie Pierre, Sacha Gordon ou Amanda Ba. L’année dernière, j’ai vu à Berlin l’exposition de Zanele Muholi qui m’a complètement bouleversée de beauté et de puissance. Et puis, cet été, dans mon atelier, en faisant des recherches pour cette exposition, j’ai regardé des catalogues de Monet et de Bonnard. Je voulais faire des ciels simples mais qui vibrent ; je crois que ma plus grande inspiration reste le ciel, je peux passer du temps à le regarder.


Exposition “Aiguiser nos larmes” by Camille Soualem
Jusqu’au 18 février 2023 at Exo Exo
10 ter, rue Bisson – 75020 Paris
exoexo.xyz


Camille Soualem, Les gardiennes, 2022, courtesy of the artist and Exo Exo

Camille Soualem, Les règles, 2022, courtesy of the artist and Exo Exo

Camille Soualem, Aiguiser nos larmes 1, 2023, courtesy of the artist and Exo Exo

Camille Soualem, Les limites, 2022, courtesy of the artist and Exo Exo

Camille Soualem, Le Chant, 2022, courtesy of the artist and Exo Exo

4 questions à Camille Soualem