Chez Julio, un retour au Beyblade

L’artist-run space bellevillois Julio se transforme en terrain de jeu, rendant hommage au Beyblade, jouet emblématique des années 2000. Trois artistes — Javier Carro Temboury, Romain Jaccoud et Maïa Lacoustille — qui placent la customisation au cœur de leur pratique, façonnent cette exposition à travers les notions de collection et de combinaison.

Aux côtés des cartes Yu-Gi-Oh ! et Pokémon, le Beyblade a marqué toute une génération qui, comme les artistes de cette nouvelle exposition, a grandi dans les années 2000. Dans “Assemblage #37 Beyblade”, les artistes se sont appropriés le geste de tuning particulier au Beyblade, en utilisant la customisation pour conférer une nouvelle signification à des symboles ou des objets de notre quotidien : une référence à l’activité de personnalisation de ces iconiques toupies. Ainsi, à partir de planches de surf, Maïa Lacoustille (née en 1995, France) présente deux pièces-conteneurs qui semblent abriter un embryon et, plus précisément, sa décomposition. Une sculpture est présentée à côté de barquettes en aluminium qui semblent soutenir un corps évidé à l’intérieur duquel se trouve un autre. Devant ces figures, l’impression d’être face à une autopsie ou à un exercice de paléontologie. Influencée par les légendes funéraires de l’Égypte ancienne, l’artiste récupère des objets de son quotidien, tels que des planches de surf ou des couches, poursuivant une réinterprétation de notre manière d’appréhender la mort.

Dans la vitrine de la galerie, Romain Jaccoud (né en 1993, Suisse) présente un ensemble de planches en bois qui met en exergue, d’une part, la déconstruction du drapeau américain au moyen d’étoiles sur fond bleu et, d’autre part, des flammes rouges en aérosol qui semblent menacer ce symbole chauvin. Malgré le caractère impersonnel des pochoirs, l’artiste laisse des taches de peinture qui révèlent sa propre action. Le symbole de l’étoile apparaît aussi dans une peinture sous forme d’autocollants, produisant un effet visuel qui rend difficile la distinction entre figure et arrière-plan. Le travail de Jaccoud éclaire ainsi une certaine ironie à l’égard de ces signes et questionne le vocabulaire du design publicitaire et de l’industrie du divertissement culturel. Jouant et manipulant des matériaux très souples, l’artiste nous amène à nous interroger sur la fragilité et la vacuité intrinsèque des symboles que la publicité nous propose à chaque instant.

En parallèle, Javier Carro Temboury (né en 1997, Espagne) collectionne des récipients en céramique qu’il a trouvés au fil des ans dans les marchés aux puces. Ils proviennent d’époques et de lieux différents, ils portent la marque d’un usage spécifique. Pour l’exposition, la seule action qui leur a été infligée est une entaille réalisée à l’aide d’une technique de découpe industrielle qui génère une forme symétrique permettant de les agencer selon de multiples combinaisons. Celle-ci est un geste central dans l’œuvre de l’artiste espagnol, qui situe son travail à mi-chemin entre l’artisanat et l’industriel. Le reste est arbitraire : les ornements qui décorent chaque contenant, les textures et fractures de chaque pièce. Sa fonction initiale, celle de contenir, est complètement disparue après l’action de découpage. Ce geste paradoxal, qui sépare dans un premier temps, finit par donner naissance à une ligne imaginaire qui rapproche les objets, leur conférant un air de famille.

Les artistes du group show “Assemblage #37 Beyblade” ont en commun la volonté de comprendre la société contemporaine, en utilisant des symboles qui nous sont familiers et en rappelant des références et des préoccupations d’antan. Tous trois jouent à la frontière entre l’artisanal et la production de masse, montrant des aspects matériels qui ne seraient pas perceptibles au premier coup d’œil.


Exposition collective “Assemblage #37 Beyblade”
Jusqu’au 25 mars 2023 at Julio Artist – run space
13, rue Juillet – 75020 Paris
julioartistrunspace.com


Vue d’exposition, “Assemblage #37 Beyblade”, 2023, courtesy of the artists and Julio Artist-run space © Salim Santa Lucia

Vue d’exposition, “Assemblage #37 Beyblade”, Javier Carro Temboury, 2023, courtesy of the artists and Julio Artist-run space © Salim Santa Lucia

Vue d’exposition, “Assemblage #37 Beyblade”, Romain Jaccoud, 2023, courtesy of the artists and Julio Artist-run space © Salim Santa Lucia

Vue d’exposition, “Assemblage #37 Beyblade”, Maïa Lacoustille, 2023, courtesy of the artists and Julio Artist-run space © Salim Santa Lucia

Vue d’exposition, “Assemblage #37 Beyblade”, 2023, courtesy of the artists and Julio Artist-run space © Salim Santa Lucia

Chez Julio, un retour au Beyblade