“Hasta la Madrugada” : la jeune scène espagnole exposée à la Chapelle Saint-Jacques

Jusqu’au 10 juin, la Chapelle Saint-Jacques, centre d’art contemporain à Saint-Gaudens (Haute-Garonne), met à l’honneur le dynamisme et la diversité de la jeune scène espagnole au sein de l’exposition collective “Hasta la Madrugada”. Cette dernière regroupe les œuvres de Belén Rodríguez, Cristina Mejías, Julio Galindo et Julio Linares, sous le commissariat d’Émilie Flory.

On rentre dans l’exposition “Hasta la Madrugada” comme dans un conte : d’abord par le titre, mi mystérieux, mi évocateur : la “madrugada” est ce moment entre l’aube et le lever du soleil, l’instant « entre chien et loup » du matin qui n’a pas son équivalence de terme ou d’expression en français. C’est cet intermédiaire furtif, qu’on détecte au bord de la mer, quand il fait à la fois nuit, à la fois jour, ou ni l’un ni l’autre. Cet intervalle hispanique nous fait quitter, dès lors, la Chapelle Saint Jacques et notre espace-temps pour un ailleurs. Les premières œuvres qui croisent notre chemin se font déjà évocatrices, nous immergeant rapidement dans un lieu autre et lointain. 

D’abord, un grand drapé de Belén Rodríguez marque une seconde entrée à l’espace d’exposition, masquant la suite des œuvres qui se dévoilent ensuite. Le voile en question est une peinture, une mise en exergue de la couleur, une évocation des plantes qui ont donné leurs teintes à la toile. Rodríguez ramène systématiquement les formes et couleurs dans ses inspirations et créations, notamment des teintures végétales, comme c’est le cas de La linéa de Karman qui se divise en deux thématiques de couleurs : des nuances de bleu d’une part, de l’ocre tirant vers le noir d’autre part. Une dualité d’éléments, comme la mer et la terre, le jour et la nuit, notre raison et notre psyché, nos corps et nos rêves… ou l’aube et le lever du jour. Ce grand drapé, par la douceur de son tombé et de ses nuances, nous absorbe immédiatement. Si bien que nous pouvons manquer quelques détails, comme une sculpture de Cristina Mejías, qu’on ne remarque parfois qu’à la sortie. Composée de divers éléments assemblés, la pièce participe pourtant à l’écho des œuvres d’art entre elles – on retrouve ses formes dans une autre œuvre présentée par l’artiste : Los practicantes del sueño. Dans cette vidéo, le textile évoque la lumière qui transperce le tissu pendant que les détails des motifs disparaissent. L’œuvre est en effet le film d’un tapis que l’artiste défait, une pièce textile qu’elle a réalisée à la main avec des membres de la communauté Wayúu qui vit dans le désert de la Guajira, en Colombie. Les symboles s’effacent au profit des formes. Plus le fil est tiré, plus la lumière s’infiltre. Ne restent que le pouvoir de l’imagination et des souvenirs

En face, on retrouve un tapis, mais de céramique cette fois-ci. Il maintient un feu de bois par-dessus lequel volent des oiseaux, une multitude d’espèces, du héron cendré au perroquet, du colibri à la mésange, reproduits fidèlement. L’ensemble de cette sculpture de Julio Galindo évoque un rite sacré que pourraient mener les animaux.

La magie est centrale dans l’exposition, formant une cosmologie à part entière. Elle est un élément, comme le jour, la nuit, la forêt, partie prenante de la vie tout entière, de l’univers. Une vie qui englobe êtres humains et non humains, égaux et de même constitution au sein de ce monde. Car « Nous sommes, corps et âmes, enfants d’une prolifération ingouvernable et génératrice de relations, de sensibilités, de rationalités multiples, de forces, de formes, de rythmes, de couleurs, de mondes. » (Lena Balaud et Antoine Chopot, Nous ne sommes pas seuls, 2021). Nous appartenons à un même ensemble, plus grand. Cette grandeur qui nous dépasse est par ailleurs évoquée dans la peinture murale de Julio Linares, réalisée sur place. Nous recevons en écho la posture méditative de l’artiste qui peint des aplats, qui peint le ciel. Ses peintures, évoquant des paysages tropicaux ou des scènes oniriques, se reflètent dans une mare artificielle, une forme-miroir. Par l’utilisation de matières scintillantes dans ses œuvres, le jeune peintre se joue des perceptions et provoque des mirages. Les œuvres s’expriment les unes à travers les autres, par un jeu d’écho et de répercussions. Elles énoncent, à leur manière, différentes postures d’états seconds et mettent en exergue diverses formes, plusieurs langages, pour y accéder. Art, réalité, méditation, rêves et magie se croisent et se confondent entre les lignes de ce conte onirique. 


Exposition collective “Hasta la Madrugada”
Jusqu’au 10 juin 2023 at Chapelle Saint-Jacques – Centre d’art contemporain
Avenue du maréchal Foch – 31800 Saint-Gaudens
lachapelle-saint-jacques.com


Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

Vue de l’exposition “Hasta la Madrugada”, 2023, Chapelle Saint-Jacques (Saint-Gaudens). Photo : François Deladerrière.

“Hasta la Madrugada” : la jeune scène espagnole exposée à la Chapelle Saint-Jacques