Marqué par la photographie, la vidéo, le collage ou encore la peinture, l’œuvre de Viviane Sassen s’expose à la Maison Européenne de la Photographie, à Paris. Première rétrospective de l’artiste néerlandaise, elle réunit plus de 200 pièces qui retracent trente ans de carrière naviguant entre art et mode, entre couleurs explosives et ombres tranchantes.
Les images de Viviane Sassen se jouent des ombres, créant de sombres régions de béances à la surface et au sein de leur cadre. C’est ainsi qu’en se promenant dans “PHOSPHOR : Art & Fashion 1990-2023” entre les étages de la MEP, le visiteur n’est pas seulement amené à découvrir la première rétrospective en France de l’artiste néerlandaise, observant trente ans de création entre vidéos, collages et photographie. Il se frotte aussi à une manière de penser l’image comme un équilibre tendu entre creux et plein, façon de toujours octroyer une grande profondeur à ses sujets. En effet, l’exposition vise à explorer le processus créatif de Viviane Sassen, entre l’omniprésence de la sphère intime dans son œuvre, et la constante recherche de renouvellement des formes photographiques. Deux fils thématiques constamment tendus au cours de l’exposition.
Le buste sombre d’un enfant fait face à la caméra, sa main droite gantée de jaune envahit le centre de l’image et se mêle à sa jumelle, créant une forme parfaitement découpée, comme un origami. Le pantalon bleu du garçon s’effondre dans le bas de l’image, creusant l’intrigante scène d’un bleu intense. À l’instar d’un certain nombre des pièces de Viviane Sassen, cette photographie exprime le dialogue que l’artiste met en scène entre le tombé des vêtements qui la passionne depuis ses études de mode, les ombres qui s’y projettent, et des couleurs franches dont elle se sert pour découper l’espace. Un puissant cocktail qui lui permet d’animer jusqu’aux effets de contre-jour qu’elle affectionne. Dans une interview avec Hansi Momodu-Gordon en 2015, l’artiste déclare avoir toujours “espéré que ces ombres fonctionnent comme un miroir permettant aux gens de réfléchir sur eux-mêmes et, ainsi, d’examiner leurs propres idées préconçues”. On comprend alors comment les teintes noires permettent aux images de Viviane Sassen de se tenir à l’équilibre, en donnant au regard du visiteur la liberté de se déplacer d’un coin à l’autre comme dans un tableau abstrait, d’un contraste à un autre.
L’ombre projetée, créée par l’appareil, ou accentuée par effet de superposition d’images ou de collage génère un effet de monochrome : les couleurs se côtoient et tranchent les unes par rapport aux autres, donnant soin au regard d’arranger la scène observée comme il l’entend. Considérant ses sujets comme des mystères toujours couverts d’un voile énigmatique, Viviane Sassen ne propose pas seulement des photographies aux couleurs et compositions séduisantes. Elle s’est constituée une méthode prenant en compte son impossibilité à toucher le cœur de ce qu’elle capture. Une humilité salvatrice, à la fois pour le regardeur et les sujets des images, tant les impressions qu’elle superpose parfois aux photographies, les traces de peinture, l’ubiquité des ombres, et la confusion des perspectives sont autant de politesses faites à ce qui se trouve de l’autre côté de l’objectif. Le geste artistique serait tourné vers l’interrogation du procédé de représentation, invitant à observer les images comme on se pose des questions, sans espoir d’y trouver des réponses. •
Exposition “PHOSPHOR : Art & Fashion 1990-2023” by Viviane Sassen
Jusqu’au 11 février 2024 at Maison Européenne de la Photographie
5-7, rue de Fourcy – 75004 Paris
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