Au musée d’Orsay, un jour des peintres historique

Sur une proposition de Thomas Lévy-Lasne, le musée d’Orsay présentait ce 19 septembre “Le jour des peintres”, réunion de quatre-vingt artistes de la scène française contemporaine dans un dialogue saisissant avec les collections de l’institution. 

À l’origine de ce projet audacieux : une exposition, présentée en 2021 dans un centre d’art contemporain de Perpignan, qui donna lieu à la chaîne Twitch/YouTube “Les Apparences”, réceptacle de plus de 90 heures d’entretiens menés le dimanche soir par Thomas Lévy-Lasne en compagnie d’un artiste. Source de savoirs et archive inestimable pour les historiens de l’art, les critiques mais aussi le grand public néophyte, l’émission propose, depuis plus de trois ans, un regard curieux, bienveillant et érudit sur la création artistique contemporaine. Il faut indéniablement faire preuve de générosité pour mettre en lumière le travail plastique d’un autre que soi. Mais Thomas Lévy-Lasne se dit investi d’une mission qui le dépasse : la réhabilitation de la peinture comme une revanche sur ces décennies durant lesquelles elle n’était pas ou si peu prise en considération. Il pense que c’est collégialement que les artistes d’aujourd’hui, si pleins de verve et de fougue, peuvent se faire une place dans les projets curatoriaux des grandes institutions parisiennes traditionnellement tournées vers la production d’outre-Atlantique. Leur ouvrir les portes du musée d’Orsay contient toute cette symbolique.  

Au sein de la nef, ont cohabité dans une scénographie pensée en concertation avec Nicolas Gausserand, chargé des programmes contemporains du musée, des artistes dont la carrière n’est plus à démontrer — Hervé Di Rosa (Storage of treasure, 2019), Françoise Pétrovitch (Sans titre, 2021) et Philippe Cognée (La chaise blanche renversée, 2021) —, mais aussi des figures émergentes. Parmi la jeunesse convoquée : Dhewadi Hadjab (Sans titre, 2023), représenté par la galerie Mennour qui lui consacrera le mois prochain un deuxième solo show, mais aussi Diane Dal-Pra (Eternal Interval, 2024) et Christine Safa (Le Sporting [Nathan], 2024). Joie des visiteurs de découvrir un essaim d’artistes inconnus d’eux pour n’être présentés que dans le circuit fermé des galeries. Et jubilation de ces quatre-vingt peintres qui ont pu se confronter aux tableaux de ceux qu’ils admiraient. Certaines toiles donnèrent lieu à des confrontations bien choisies : Apolonia Sokol fit, par exemple, une entrée fracassante avec son autoportrait nu (Moi, 2020) qui tutoya du regard la mine renfrognée de Ernest Meissonier (Portrait de l’artiste, 1889). Julien Beneyton, lui, mit à mal la vision colonialiste des peintres orientalistes avec Jurassik Park Kid (2012). Katia Bourdarel (Le printemps, 2021) questionna le male gaze de L’Origine du monde (1866) de Courbet, Nina Childress (Réflexion/Reflection, 2024) la pose lascive de l’Olympia (1863) de Manet. De belles découvertes animèrent également le parcours : Marion Bataillard (L’énonciation ou idéal de clarté, 2020-2021), Gilles Elie (Elie peinture, 2017), Bilal Hamdad (Pause imposée, 2021) et Marie-Claire Mitout (Les plus belles heures, La tête au petit bois et à Thomas, la demi lune, 2024).

Jamais un lien si simple et évident ne s’était créé entre le grand public et des artistes habituellement relégués au milieu si fermé de l’art contemporain. Jamais on n’avait pu approcher au plus près du secret de la création en écoutant cette parole rare et précieuse qu’est celle du peintre. Pouvons-nous sans doute espérer, que fort de son succès — qui cumula 16 600 visiteurs —, “Le jour des peintres”, dans le prolongement de l’engouement critique et populaire suscité par les expositions dédiées à Peter Doig et à Nathanaëlle Herbelin l’an passé, permettent aux musées d’offrir une plus large place à la peinture contemporaine pour donner à voir une variété de styles et d’approches non si éloignés de leurs collections permanentes.


Exposition “Le jour des peintres”
lejourdespeintres.com
musee-orsay.fr


Xie Lei, Feline Me, 2020, huile sur toile, 55 x 44 cm, courtesy de l’artiste.

Gilles Elie, Elie peinture, 2017, acrylique sur toile de lin, 89 x 116 cm, courtesy de l’artiste.

Diane Dal-Pra, Eternal Interval, 2024, huile sur lin, 182 x 146 cm, courtesy de l’artiste

Nina Childress, Réflexion/Reflection, 2024, glycéro, one-shot, acrylique, pigments iridescents et huile sur tissu vinyl miroir, 100 x 170 cm, courtesy de l’artiste

Jean Claracq, Grindr’s hook-up, 2017, huile sur bois, 90 x 120 cm, courtesy de l’artiste

Au musée d’Orsay, un jour des peintres historique