5 questions à Eva Langret, directrice de Frieze London

Du 9 au 13 octobre 2024, Frieze London réunit la création artistique contemporaine internationale à Regent’s Park. Placée sous le signe du renouveau et de la découverte, cette édition se remarque par un parcours entièrement repensé et une place forte accordée à la jeune scène. Conversation avec sa directrice, Eva Langret, qui revient sur l’esprit fondateur et moteur de la foire. 

Onze ans après sa création, Frieze London compte parmi les plateformes majeures du marché de l’art international. Comment expliquez-vous son rôle au cœur de cet écosystème ?

Eva Langret : Depuis le début, Frieze est bien plus qu’une foire d’art, c’est un lieu de rencontre pour l’ensemble de la communauté artistique internationale. Nous avons une offre très singulière : Frieze London met l’accent sur le meilleur de l’art contemporain dans le monde entier, en se concentrant sur les artistes les plus passionnants qui travaillent aujourd’hui. Nous avons maintenant 7 foires dans le monde, et celles de Londres Frieze London et Frieze Masters sont les plus internationales de notre portefeuille. L’année dernière, nous avons accueilli des visiteurs de 92 pays, ce qui prouve que le monde de l’art londonien continue de prospérer en tant que force de rassemblement. Il est important de noter que nous sommes désormais en mesure de partager notre énergie et notre succès, en travaillant avec des institutions culturelles dans tout le Royaume-Uni, en faisant sortir la foire de Londres et en l’amenant en régions. Nous avons mis en place des fonds d’acquisition et des prix avec des organisations telles que la Tate, l’Arts Council, le Camden Art Centre, la Contemporary Arts Society et bien d’autres encore. Dans le cadre d’un nouveau partenariat avec le CVAN et le London Gallery Weekend, Frieze London et Frieze Masters accueilleront 30 commissaires d’art contemporain de toute l’Angleterre pour participer à cette édition, 20 places étant spécialement réservées aux commissaires régionaux. […] Aussi, cette année, la section « Artist-to-Artist » est de retour et constitue l’un des points forts du programme de la foire orienté sur les artistes eux-mêmes. Cette section comprendra six présentations individuelles d’artistes choisis par des personnalités de renommée mondiale connues pour leur engagement en faveur des voix émergentes, soulignant ainsi notre volonté de créer des liens au sein de notre réseau international. Les artistes sélectionnés sont Glenn Ligon, Rashid Johnson, Yinka Shonibare, Zineb Sedira, Lubaina Himid et Hurvin Anderson. Toutes ces initiatives contribuent à conférer à Frieze London un rôle unique dans l’écosystème artistique international et font partie intégrante de son succès. Nous continuons à évoluer, à rester essentiels dans un monde de l’art en pleine mutation.

Cette année, l’espace de la foire a été redéfini, tant en termes d’architecture que de parcours. En quoi se différencie-t-il des précédentes éditions ?

Eva Langret : La nouvelle conception de Frieze London cette année offrira à nos visiteurs une expérience qui mettra l’accent sur les artistes et la découverte. Cette nouvelle présentation a été élaborée pendant plus d’un an ; la réaction des galeries à ces innovations et à ces changements est déjà très positive. Depuis sa création en 2003, la foire est réputée pour le renouvellement de sa proposition, qu’il s’agisse de grands noms ou de voix émergentes. Cette réorientation de notre plan d’exposition donne plus de visibilité à ces principes fondateurs et rend plus tangible notre engagement à soutenir l’ensemble de l’écosystème de l’art. L’inspiration pour ce plan audacieux vient avant tout de nos galeries exposantes et de notre désir de fournir un contexte inspirant et mémorable à nos visiteurs pour qu’ils découvrent l’incroyable création présentée par cette communauté mondiale. Cette nouvelle disposition tire également parti du cadre extraordinaire de la foire dans Regent’s Park.

Quelle est la place accordée à la scène émergente et comment est-elle valorisée au sein de cette nouvelle configuration ?

Eva Langret : La section « Focus » dédiée aux galeries émergentes a un nouvel emplacement, avec 34 présentations solo et duo proposées par des galeries émergentes près du cœur de la foire. Notre relation avec Stone Island nous permet d’offrir une bourse à tous les exposants de la section « Focus », ce qui aide ces galeries à faire des présentations audacieuses et risquées. Cette année, la jeune scène des galeries londoniennes est mise en lumière, notamment Brunette Coleman avec des œuvres de Nat Faulkner, Rose Easton et Eva Gold ; Ginny on Frederick avec Charlotte Edey ; Harlesden High Street avec Savannah Harris ; Nicoletti avec Divine Southgate-Smith ; Public avec Nils Alix-Tabeling ; Soft Opening avec Dean Sameshima ; South Parade avec Georgina Hill ; ou encore, Xxijra Hii avec Hannah Morgan. Nous avons également la commission Frieze London Artist Award, en partenariat avec Forma, qui donne à un artiste en début ou en milieu de carrière l’occasion de présenter une nouvelle commande sur la foire. Cette année, c’est Laurence Lek qui présente Guanyin: Confessions of a Former Carebot, une nouvelle méditation captivante sur le temps et la technologie.

Le programme Frieze Sculpture permet aussi d’élargir la visibilité d’artistes internationaux hors des murs de la foire, au cœur de Regent’s Park. En quoi cette curation est-elle complémentaire à l’esprit de Frieze ?

Eva Langret : Frieze Sculpture nous permet vraiment de présenter l’idée fondatrice de Frieze — des artistes et des galeries de renommée internationale présentant leurs meilleures œuvres à Londres — à un public beaucoup plus large. En sortant de la foire, nous sommes en mesure de montrer ces œuvres d’art au monde entier et de les exposer pendant six semaines. Fatos Utsek, son commissaire, a vraiment mis au point un programme qui rassemble de grands artistes internationaux exposant pour la première fois des œuvres majeures dans le domaine public, ainsi que de jeunes talents qui dépassent leurs propres limites. Si ces œuvres diffèrent par leurs matériaux et leurs approches, elles sont néanmoins liées par des idées de transformation, d’autonomisation politique et de rituels contemporains.

Quelles sont les grandes tendances qui marquent cette édition ?

Eva Langret : Je pense que les tendances peuvent être sources de distraction, mettre trop l’accent sur un artiste ou une pratique, et ce n’est pas vraiment la façon dont je conçois l’art. […] Je pense que nous avons tous intérêt à ce que le monde de l’art devienne plus global et plus représentatif, et je me réjouis que la foire continue à participer à ce réalignement et à jouer un rôle important dans cette conversation. La notion de découverte pourrait être le sentiment dominant de Frieze cette année. Je souhaite que tous nos visiteurs en fassent de nouvelles, découvrent de nouveaux noms et des artistes familiers sous un nouveau jour. Souvent, les thèmes émergent pendant la foire elle-même — je suis toujours prête à tracer des dynamiques communes et des liens pendant la semaine de Frieze, en discutant avec les galeries et les artistes. Même en tant que directrice de Frieze, j’apprends quelque chose de nouveau à chaque édition. 


Frieze London
Du 9 au 13 octobre 2024 at Regent’s Park
Londres NW1 4LL (Royaume-Uni)
frieze.com


Lotus L. Kang, In Cascades, 2023, vue d’exposition. Courtesy de Contemporary Art Gallery (Vancouver). Photo: Rachel Topham Photography.

Nils Alix-Tabeling, Candelabre, “Night Butterfly”, 2023 , médias mixtes, 250 × 160 × 60 cm. Courtesy de l’artiste et de Public Gallery (Londres) et Piktogram (Varsovie).

Magda Stawarska, Nets, 2024, vue d’installation, ensemble de 4 gravures photopolymères sur papier mûrier Kozo et Drift Horizon I, 2024, sérigraphie sur papier peint. Photo : Alexander Christie.

Divine Southgate-Smith, My voice resonating through ancestral planes, shaking me down to the hips (détail), 2024, céramique, résine, 40 × 35 × 20 cm (chaque). Courtesy de l’artiste et de NıCOLETTı (Londres).

Timur Si-Qin, Luorong Rock, 2024, résine, bronze, écran LED, 50 × 200 × 150cm, courtesy de l’artiste et de Magician Space.

Simone Kennedy Doig, Maggie, 2023, huile sur toile, 150 × 120 cm. Courtesy de l’artiste et de Tanya Leighton (Berlin / Los Angeles). Photo : Gunter Lepkowski.

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