Inhabité, détourné ou simplement porté, le vêtement use de la photographie pour couvrir des identités multiples. Panorama à l’appui de sept photographes exposés à Paris Photo.
Kincso Bede
En 2020, Kincső Bede (née en 1995) présentait son travail à Paris Photo dans le cadre du programme “Carte Blanche Étudiants” du salon. Fascinée par le passé communiste de son pays, la Roumanie, et du contrôle exercé par les autorités locales, la photographe envisage le portrait sous un angle provocateur, et où le vêtement agit comme un marqueur traditionnel qui est ici remis en question.
Martin Parr
Maître en l’art de la street photography tout autant qu’en photographie de mode, Martin Parr (né en 1952) développe sa propre esthétique à coups de flashes et d’images vernaculaires. À la croisée du kitsch et du documentaire, son regard décalé brosse le portrait d’une société où l’importance du vêtement détermine l’individu. Une pratique quasi anthropologique qui a commencé avec sa série “The Last Resort” (1986), ayant renouvelé le genre du photo-reportage en Grande-Bretagne.
Weronika Gesicka
Exploitant un ensemble d’images issues de la presse, du web ou d’archives policières, l’artiste polonaise (née en 1984) questionne l’authenticité du portrait par le photomontage. Intéréssée par les phénomènes culturels ayant un impact sur la réalité contemporaine, Gęsicka donne ainsi à voir des anonymes oubliés, souvent prélevés dans une époque vintage. Costumés ou habillés de façon anachronique, ces derniers se parent alors de vêtements qui tiennent rôle d’indices temporels, et amènent le regardeur à s’interroger sur la fiabilité du contexte.
Rafal Milach
Menant un travail d’édition et de photographie, Rafał Milach (né en 1978) concentre sa pratique sur les tensions entre la société et les structures de pouvoir. Auteur d’ouvrages de protestation et de publications critiques sur le contrôle de l’État, il livre de nombreux clichés qui traduisent une situation oppressive, notamment en se focalisant sur des accessoires — cagoules, maquillages, bijoux accumulés — brandis comme les emblèmes d’une quête de liberté.
Gretchen Andrew
Dans sa série “Facetune Portraits”, Gretchen Andrew (née en 1988) utilise des mécanismes robotiques programmés pour appliquer physiquement des algorithmes pilotés par l’intelligence artifi cielle à des peintures à l’huile. Manipulatrice des technologies, l’Américaine se fonde ainsi sur des photographies de personnages caractérisés par des modes vestimentaires archétypales : portraits de miss, de célébrités en bikini ou selfies d’influenceuses, chaque sujet se dote de nouveaux contours picturaux, comme pour insister sur une détermination identitaire par le biais du vêtement.
Andres Serrano
Adepte de l’iconographie religieuse et des références à l’iconique Pietà de Michel-Ange, Andres Serrano (né en 1950) n’hésite pas dans ses early works à s’approprier des tenues vestimentaires sacrées pour les appliquer à des contextes absurdes, voire profanes. Animaux torturés et corps ensanglantés cohabitent au sein de son esthétique marquée par un zeitgeist qui nous confronte aux dérives et violences contemporaines, tout en nous ramenant à l’œuvre des grands maîtres de l’histoire de l’art.
Kansuke Yamamoto
Participant à l’introduction du surréalisme en photographie au Japon, avec le groupe d’artistes Nagoya Photo Avant-Garde qu’il fonde en 1939, Kansuke Yamamoto (1914-1987) arrange devant son objectif des “théâtres d’objets”. Ses compositions oniriques pensées à partir d’éléments prélevés dans le quotidien révèlent une signature portée par la mise en scène graphique, à l’image d’un chapeau ou d’une veste, sur lesquels il accroche des épingles afin de rendre compte d’un second dessin. Le corps y est absent mais transparaît par la présence des pinces qui évoque le geste préalable de l’artiste.
Paris Photo 2024
Jusqu’au 10 novembre 2024 at Grand Palais
75008 Paris
parisphoto.com