5 questions à Amandine Maas

Pour sa première exposition personnelle à la galerie Chloé Salgado, Amandine Maas donne à voir un récit sculpté dans des blocs d’argile mats et émaillés, à la manière de bas-reliefs. Ses inspirations fusionnent l’histoire de la peinture et l’imagerie populaire contemporaine.

Artiste pluridisciplinaire, comment es-tu passée de la performance à la céramique ?

Amandine Maas : Pendant des années, j’ai utilisé la performance comme un moyen de faire participer le spectateur, de le rendre acteur de l’exposition. L’accessibilité des œuvres pour tous les publics a toujours été une question importante pour moi, et l’idée de produire des pièces qui s’activent était une manière d’impliquer les spectateurs. Malgré l’intérêt que je porte à ce médium, je me suis retrouvée face à un problème pour archiver mon travail, et pour en rendre compte après les expositions. Lors de ma dernière performance L’Hôtel des courants d’air, j’ai imaginé des sculptures en céramique que les spectateurs manipulent à plusieurs en suivant les consignes d’ un mode d’emploi. C’est à ce moment que j’ai découvert la céramique. Ensuite est arrivé le confinement et l’impossibilité de faire interagir le public avec mes œuvres lors d’expositions ; j’en ai profité pour repenser ma manière de produire et d’archiver. J’ai toujours eu un attrait pour l’image, la peinture et la bande dessinée, et c’est pendant le confinement que j’ai écrit ma bande dessinée interactive Les aventures de Nono. La reprise du dessin m’a énormément enthousiasmée, combinée à ma récente découverte de la céramique ; j’étais passée de la performance à la céramique.

Entre ces deux pratiques, l’engagement du regardeur est très différent. Quelle lecture proposes-tu dans cette exposition ?

Amandine Maas : Dans l’exposition “5 impasse des panoramas”, je propose une série d’images clichées, représentant des poncifs d’images connues de tous et inspirées par des références diverses : l’histoire de la peinture, les séries TV, Titeuf, les dessins de la grotte Chauvet, etc. À mon avis, chaque céramique renvoie une image familière parce qu’elle réunit plusieurs clichés assez évocateurs. La scène de théâtre est autant une référence à la série Twin Peaks qu’à Getty Images, Le tricheur à l’as de carreau évoque la peinture de Georges de La Tour, mais aussi un apéro entre amis. J’aime l’idée de combiner plusieurs images connues en un dessin, et je pense que ça permet au spectateur de s’y plonger facilement, comme si elle était familière. J’engage le spectateur en lui évoquant des souvenirs, en lui proposant des tableaux qu’il connaît déjà, dans lesquels on est tous habitués à s’immerger. Chacun y retrouve ce qu’il veut et la discussion reste ouverte.

En quoi la notion de bas-relief irrigue-t-elle cette série ?

Amandine Maas : Pour moi, le bas-relief est avant tout une référence aux temples égyptiens, aux images anciennes qui témoignent d’histoires passées. Ils représentent l’image qui reste, qui a été conçue pour narrer un récit : celui des animaux du Roc-aux-Sorciers, celui des dieux grecs ou égyptiens. Mes bas-reliefs sont un témoignage du présent ; ils racontent les récits contemporains pour les gens d’aujourd’hui, en évoquant les techniques qui étaient utilisées pour raconter des histoires ancestrales. Au-delà de cette dimension historique, c’est aussi bien sûr le plaisir de travailler la céramique et de graver l’argile qui m’intéresse dans cette technique.

De quelle manière la pratique de la céramique influence-t-elle le récit de tes œuvres ?

Amandine Maas : La céramique m’inspire d’abord par son histoire et sa capacité à traverser le temps. Les premières traces d’écriture ont été retrouvées gravées dans des blocs d’argile. Les amphores grecques, les poteries japonaises, sont les témoins des vies anciennes qui perdurent par le matériau. Je pense que cela ajoute une dimension temporelle à mes images. Mes céramiques sont comme des briques que l’on pourrait empiler pour construire un temple, des boîtes dans lesquelles on cacherait des secrets, des peintures qui fondent et se déforment, des vignettes de bandes dessinées qui se lisent les unes après les autres. L’utilisation de l’argile me permet aussi de sortir du cadre de l’image, et de trouver de nouvelles manières de peindre et de dessiner.

Comment définirais-tu ton rapport à l’image ?

Amandine Maas : Je ne hiérarchise pas mes influences visuelles : j’aime autant les peintures d’Otto Dix qu’Obélix et Astérix, les Razmokets que les planches botaniques. Mon rapport à l’image est assez libre et honnête, j’ouvre les yeux et je me laisse guider. Pour ce qui est de produire des images, je les pense comme des peintures, comme des bandes dessinées. Souvent, je pars d’un lieu ou d’un souvenir visuel et je compose au mieux la scène afin de la rendre la plus épurée possible. Je travaille beaucoup à partir de très petits croquis, et la couleur ou les volumes se font ensuite assez naturellement. Pour résumer, mon rapport à l’image est enthousiaste et assez premier degré.


Exposition “5 impasse des panoramas” by Amandine Maas
Jusqu’au 22 avril 2023 at Galerie Chloé Salgado
61, rue de Saintonge – 75003 Paris
galeriechloesalgado.com


Amandine Maas, Le tricheur à l’as de carreau, 2023, argile et émail, 33,5 x 25 x 9 cm. Photo : Aurélien Mole © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, L’artiste (1), 2023, argile et émail, 35 x 27 x 9 cm. Photo : Aurélien Mole © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, 23h30, 2023, argile et émail, 20 x 17,5 x 7 cm. Photo : Aurélien Mole © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, Camille, 2023, argile et émail, 25 x 21,5 x 5,5 cm. Photo : Aurélien Mole © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, L’artiste (1), 2023, argile et émail, 37 x 26,5 x 6 cm. Photo : Aurélien Mole © Galerie Chloé Salgado

Vue de l’exposition d’Amandine Maas, “5 impasse des panoramas”, 2023. Photo : Grégory Copitet © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, Vie de chien, 2023, céramique. Photo : Grégory Copitet © Galerie Chloé Salgado

Amandine Maas, Vie de chien, 2023, céramique. Photo : Grégory Copitet © Galerie Chloé Salgado

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