Le musée régional d’art contemporain Occitanie à Sérignan invite l’artiste Naomi Maury (née en 1991) pour sa première exposition personnelle, “Exoskeletlight”. Les œuvres, dont la plupart sont inédites, s’accordent à former un ensemble immersif, un univers entre sciences biologiques et fiction.
Un groupe d’individus penchés sur le sol grattent dans la terre. Leurs vêtements blancs sont taillés dans une matière épaisse avec des formes incongrues. Cet indice dispose d’emblée ce collectif dans une société autre que la nôtre, en l’occurrence, une communauté future. Dans ce film, The meaning of light, le temps s’étire de même que le paysage naturel dans lequel évoluent les individus, un environnement prégnant et immense. Les actions sont lentes et douces, entre plaines et roches, dans la végétation et, surtout, au plus près de la terre. Le film se déroule sans paroles, la communication et les liens qui unissent les membres de cette communauté résidant ailleurs. De la terre, ces êtres humains extraient des morceaux colorés : des fragments de plastique récoltés et utilisés pour nourrir des champignons. L’ère anthropocène ou capitolicène est ici en phase d’être dépassée ; n’en restent que des résidus qui sont réutilisés. Les actions se centrent ainsi autour du soin : du soin entre les membres de la communauté, du soin avec la terre, avec les êtres qui la peuplent, avec son immensité. Les frontières entre l’autre et le soi, l’autre et le monde, ne sont plus. La communauté est entière, le monde est uni des êtres qui le peuplent. L’autre, humain, non humain, est le prolongement direct et logique du soi, de l’environnement, du cosmos, du tout.
The meaning of light est disposé au centre d’une installation de tissus à la fois transparents et opaques, formant un cheminement en son centre, comme un cocon. Au-delà, des structures lumineuses éclairent l’espace de l’exposition, pièce noire d’où émanent des sonorités, une douce musicalité naviguant de sons de la nature à une composition de l’artiste danoise Aske Andersen. Le cheminement du public dans l’espace est induit, anticipé ; il se conclut avec deux dessins que l’on contemple avant la sortie et qui annoncent, peut-être, des œuvres à venir.
Dans le travail de Naomi Maury, chaque pièce est le prolongement d’une autre et participe d’un tout, déployant les propositions de l’artiste pour une société alternative dans laquelle le soin est la valeur première, la logique de toute chose. Le monde comme un cocon. Les ténèbres y sont inexistantes, puisque des liens entre ces êtres émanent de mystérieuses et rassurantes sources lumineuses. Ces néons colorés réhaussent des pièces métalliques. Elles sont disposées telles un troupeau, un groupe dans lequel chaque structure a sa forme, son identité propre. Leurs silhouettes sont hybrides, allant de l’abstraction géométrique à des allures plus animales. Sur certaines d’entre elles, sont disposés des éléments en maille de fer : ici une patte d’ourse, là une queue de castor. Habituellement, ces tissages de fer que l’on peut porter font référence aux vêtements destinés à se protéger, des armures corporelles notamment utilisées dans l’Antiquité ou au Moyen Âge. La protection envisagée dépasse la physicalité du corps initial. Les membres sont prolongés, le corps est modifié.
Les exosquelettes et prothèses de Naomi Maury permettent, pour celui ou celle qui s’en vêtit, d’explorer d’autres sensations, de bouleverser ses perceptions. Lorsque le corps est modifié, les manières de voir, de penser, d’interagir le sont aussi. On pense non seulement “depuis” soi, mais aussi “depuis” l’autre. Et c’est très précisément ici que se situe l’enjeu primordial d’une société portée par le soin, dès lors envisagé comme valeur première. Ou, comme l’écrit la poétesse française Laura Vazquez dans le texte du catalogue de l’exposition : « une réalité aussi proche de la vie que le rêve de la vie ». •
Exposition “Exoskeletlight” by Naomi Maury
Jusqu’au 10 mars 2024 at Mrac Occitanie
146, avenue de la Plage – 34410 Sérignan
mrac.laregion.fr