L’image matérielle ou l’œuvre stellaire de Pia Rondé & Fabien Saleil

 

Par Camille Tallent

EXPOSITION // Les images que nous donnent à voir Pia Rondé & Fabien Saleil dans l’exposition La Campagne est noire de soleil à la galerie Escougnou-Cetraro, dont le commissariat est assuré par Léa Bismuth, portent en elles une latence mystique. En exploitant les qualités inhérentes de la photographie, les deux artistes mettent l’emphase sur la matérialité d’un médium qu’ils utilisent et poussent dans ses retranchements (photogramme, sténopé, etc.). Leur art au vocabulaire sacrificiel se développe autour d’images fourmillantes encadrées par des structures géométriques élancées.

Réunis depuis 2012 en une entité à quatre mains, Pia Rondé & Fabien Saleil présentent un ensemble d’œuvres qui semblent être les vestiges d’une terre sacrée. L’univers visuel des deux artistes, s’il paraît abstrait de prime abord, renferme une iconographie sombre ponctuée de paysages, de crânes, de minéraux et de végétations. Une noirceur qui redouble de puissance et de magnétisme devant la blancheur virginale du white cube de la galerie.

Les médiums et les formats employés sont multiples, mais le liant apparent de cet amas lyrique s’établit comme une recherche sur la matérialité de la transparence. L’ensemble de vingt sculptures Cité fantôme révèle des structures complexes et architecturales sur lesquelles reposent fragilement des compositions de verre façonné, parfois marqué par le noir dégoulinant d’une impression photographique. À la manière d’insectes figés dans l’ambre, ces images à la brutalité chromatique indéniable immobilisent un terreau archaïque dont on ne peut plus identifier la source.

Le travail photographique de Pia Rondé & Fabien Saleil prend ainsi toute son ampleur par ce qu’il a de matériel. Les accidents de matière (écaillement des supports, tirages qui virent à l’ocre, etc.) sont parties constituantes du travail des deux artistes. Aussi, ces imperfections qui donnent corps à leur œuvre, nous renvoient au long processus (chimique), empreint d’une langueur rituelle et d’étapes marquées.

L’installation Humeur vitrée (2016), composée de trente tirages argentiques sur verre céramique, tapisse le plafond d’une pièce de la galerie. Cette œuvre, accompagnée d’une pièce sonore immersive aux vrombissements étouffés, ouvre la dimension d’un en-dessous où, comme immergé dans les eaux sous la glace, nous contemplions le soleil à travers le spectre de la glace opaque.

Pia Rondé & Fabien Saleil ordonnent un monde stratifié figé dans une autre temporalité. Comme une défiance oculaire orchestrée ou une éclipse préméditée, ils bâtissent un univers solaire obstrué par un voile noir qui se joue de la transparence. //


Exposition La Campagne est noire de soleil de Pia Rondé & Fabien Saleil //
Jusqu’au 30 avril 2016 at galerie Escougnou-Cetraro 
7 rue Saint-Claude 75003 Paris
www.escougnou-cetraro.fr


L’image matérielle ou l’œuvre stellaire de Pia Rondé & Fabien Saleil
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