Plasticien, costumier et performeur, Darius Dolatyari-Dolatdoust fait l’objet cet été d’une double exposition personnelle aux galeries Tarasieve et Fahmy Malinovsky. Deux accrochages qui, conjointement, donnent à voir un œuvre protéiforme et un univers visuel aux multiples références.
C’est la reconstitution d’un intérieur domestique que l’on appréhende comme un décor de théâtre. Une œuvre d’art totale qui investit, par sa scénographie, tous les espaces de la galerie Fahmy Malinovsky, à Paris : son sol et ses murs sont revêtus de rose pour l’occasion. Présentée au printemps dernier dans le cadre de l’exposition de fin de sa résidence à la Fondation Fiminco, Red Room (2024) convoque tous les imaginaires, toutes les rêveries, tous les fantasmes. Il y a un feu qui se consume dans cette pièce, antre du matador, que les passants englobent d’un regard curieux depuis la rue de Sévigné. Un feu qui flamboie par l’érotisme des scènes figurées dans les broderies dressées sur les parois. Diplômé de l’Institut des arts chorégraphiques de Bruxelles et passé par l’école Duperré, Darius Dolatyari-Dolatdoust (né en 1994) y convoque la tauromachie héritée de la culture populaire du sud de la France. Dans La Rencontre (2024), tapis en feutre de laine, l’artiste réinvestit la figure du minotaure, incarnation depuis Zeus et Picasso d’une sauvagerie sexuelle, pour en faire le protagoniste d’un ébat amoureux dans un aplat de rouge, couleur de la muleta du torero. Mais un doute subsiste. La frontière est opaque entre douceur et violence. Les corps s’appréhendent et s’étreignent en une chorégraphie de gestes lents. On retrouve la figure anthropomorphe dans un couvre-lit, dans le dossier d’une assise qui reprend la ligne des cornes, dans l’ombre de la carrure de la bête qui apparaît fugacement entre les pans d’un rideau. Plus loin, un mobilier en bois d’ébène est rythmé par des arches arrondies, réminiscence des arènes méridionales.
Parallèlement, au sein de la galerie Suzanne Tarasieve, se dévoile un tout autre pan des mondes intérieurs de Darius Dolatyari-Dolatdoust. On y découvre les Fine Flowers (2024) composées d’une coiffeuse et d’un miroir déformant dans lequel le corps du danseur opère sa mutation au fur et à mesure qu’il revêt son costume de scène. Les pièces de textile aux formes colorées d’un vert, d’un orange et d’un violet électriques sont “activées” au travers de la performance à venir. À l’entrée, une constellation de visages. Ceux d’un homme dont les contours sont continuellement interrogés, questionnés. Il s’agit du père de l’artiste, d’origine iranienne. À l’intérieur d’arches de bois (Daddy’s temple, 2024) qui rappellent les décors architecturaux de Giotto, des œuvres relatent son exil et son arrivée en France en 1979. Sa voix, enregistrée et diffusée à l’aide d’enceintes portatives, offre la narration de ce voyage en regard de plusieurs peintures (Memories, 2024). En face, sur un mur ensoleillé de jaune, les silhouettes de sa tante et de sa grand-mère aux visages effacés (Family portrait 3, 2024). Des portraits qui font exister les absents, les déjà presque disparus. Le travail de Darius Dolatyari-Dolatdoust tend à réparer cet abysse, la distance géographique et culturelle qui sépare la France de l’Iran. Un œuvre pour recomposer un récit personnel et familial et conjurer l’oubli. •
Exposition “Sans souvenir j’ai en mémoire cet empire”
Jusqu’au 27 juillet 2024 at Galerie Suzanne Tarasieve
suzanne-tarasieve.com
Exposition “Eux dansent dans le feu”
Jusqu’au 31 juillet 2024 at Galerie Fahmy Malinovsky
galeriefahmymalinovsky.com