À l’invitation de 22,48 m2, The Steidz présente l’exposition “SWEAT DREAMS” qui réunit sept artistes nés entre la fin des années 1980 et le début des années 2000. Celle-ci se fonde sur l’émergence d’images oniriques au sein de l’espace domestique, à la fois refuge intime et lieu clos, qui s’ouvre aux natures multiples du rêve — surréaliste, érotique, abstrait — jusqu’à révéler de possibles menaces qui rôdent.
Certains disent n’en faire jamais, pour d’autres, ils sont un habituel rendez-vous nocturne. Là, déjà, réside une versatilité : actes universels, objets de fascination depuis les plus anciennes civilisations qui ont tenté de les décrypter, les rêves échappent à toute commande, à tout contrôle, à toute raison. La seule logique réside dans le fait qu’il point pendant la nuit, espace-temps où advient le sommeil quand le corps délaisse sa verticalité au profit de l’allongement. Élise Weber (née en 2000) traduit cette phase dans une peinture qui se distancie du réel. Si la figuration prégnante évoque une familiarité certaine, ses scènes nocturnes prennent la forme d’un théâtre du quotidien, où décors et sujets, figés dans le temps, lui permettent d’approcher nos solitudes collectives et le mystère qui entoure nos espaces intimes.
Ce sommeil peut se comparer à un passage, une porte, voire une fenêtre ouverte aux fantasmes comme aux cauchemars. Allusion que l’on retrouve dans la pratique de Lisa Bravi (née en 1995) qui, par la manipulation de matières textiles, mène une réflexion autour d’indices issus de l’espace domestique et des formes qui le constituent. Rideau, petite fenêtre, corbeille, tabouret arachnéen : ses sculptures-coutures s’emploient ainsi, par la mollesse de la ouatine, du satin ou du coton, à dresser un environnement mobilier confortable, désirant l’appréhension tactile et s’imprégnant d’une veine surréaliste. Les portraits de Pierre Dumaire (né en 1993) poursuivent cette idée. En peignant sur soie ou sur un papier thaïlandais doucement froissé, les images viennent se lover dans ces surfaces à la manière de corps absorbés par les plis des draps. L’essence érotico-queer de ses sujets, dont les modèles sont issus de revues homosexuelles clandestines, de films pornographiques d’archives et de clichés personnels, contribue à cette incarnation fantasmatique flirtant parfois avec le danger, la menace, comme l’illustre Drive (2024). Et là, surgit le cauchemar.
Cette inquiétante sensualité, évoquée tant par l’image que par le choix du matériau, est également prégnante dans les sculptures de Loup Sarion (né en 1987, New York). Ce dernier signe une série de nez isolés de tout visage, façon pour lui de tirer le portrait d’amis, d’amants et d’anonymes rencontrés. Ni masculin ni féminin, ce fragment corporel vital chargé d’érotisme selon l’artiste révèle, par chaque aspérité, pore et courbe, l’histoire et l’identité d’une personne. Le choix de la cire comme matériau principal renforce cette analogie avec la peau qui, délestée ici de l’entièreté de son propriétaire, prend des accents lourds, presque mortuaires, avec ce teint subtilement cendré. Mélodie Charrier (née en 1995) s’attache aussi, avec la résine notamment, à faire éclore des formes grasses, presque suintantes. Ses volumes, couplés aux couleurs qu’elle déploie, évoquent une nature devenue hybride transformée par l’être humain. L’abstraction qui émane de ses sculptures esquisse des reliefs artificiels, sortes de parcelles puisant dans un langage paysager imaginaire allant à l’encontre des environnements sur-bétonnés et saturés.
Ce lexique visuel résonne avec les cendriers de Cédric Esturillo (né en 1988) fleurissant au sol de la galerie : sa série « Ashtray » réinterprète la symbolique de cet objet domestique à travers les siècles, par le prisme d’une sculpturalité organique et vaporeuse, tout en attribuant au récipient un caractère onirique, presque romantique. À rebours de cette matérialité palpable et fonctionnelle, la peinture d’Aranthell (née en 1987) se concentre, elle aussi en série, sur le cadrage : chaque huile sur toile détermine, par son format, un prélèvement dans notre société, nos intimités, besoins et distractions. Ces échantillons, à la fois amoureux et insultants, nous racontent à travers le paradoxe et la dualité. Ce sont nos pensées, cauchemardesques et fantasmées, rendues visibles par la trace d’un doigt sur la surface d’une vitre embuée, transpirante. •
Exposition « SWEAT DREAMS »
Commissariat : The Steidz
Vernissage dimanche 13 avril, de 15h à 19h
Du 13 avril au 17 mai 2025 chez 22,48m2
Komunuma – 29, rue de la Commune de Paris – 93230 Romainville
2248m2.com

Mélodie Charrier, Pillars Light, 2021, papier, acrylique, résine, 196 × 230 × 60 cm. Courtesy de l’artiste.

Aranthell, pute, 2023, huile sur toile, 61 × 46 cm. Courtesy de l’artiste.

Cédric Esturillo, Ashtray _1745 core, 2023 médium teinté, métal, tickets de carte, lasure, env. 20 × 10 × 30 cm. Courtesy de l’artiste.

Élise Weber, Montagnes, 2024, huile sur toile, 50 × 70 cm. Courtesy de l’artiste.

Loup Sarion, Kölnische Nase I, 2022, cire d’abeille, charbon, uréthane, bois contreplaqué, 37 × 34 × 65 cm. Courtesy de l’artiste.

Pierre Dumaire, Drive, 2024, peinture sur soie, 130 × 180 cm. Courtesy de l’artiste.

Lisa Bravi, Tabouret, 2022, cuir, ouatine, plâtre, acrylique, env. 80 × 100 cm. Courtesy de l’artiste.