Au WIELS, centre d’art contemporain à Bruxelles, Danai Anesiadou explore la logique de la dépossession à travers une exposition ponctuée de sculptures et de collages qui mettent en lumière une crise tant politique que spirituelle, qui sous-tend notre société.
À première vue difficilement lisibles, les grandes sculptures de Danai Anesiadou (née en 1977, Allemagne) encapsulent des objets ordinaires de toutes sortes : une bouteille de shampoing, un livre, des chaussures de course, un ouvre-boîte, des câbles. Les deux salles qui composent l’exposition “D Possessions” au WIELS sont remplies d’installations multicolores et réalisées à partir des affaires personnels de l’artiste basée en Belgique. Anesiadou récupère un élément clé de tout déplacement d’un endroit à un autre : les sacs en plastique. Elle décide d’emballer ses objets et de les exposer sous forme de sculpture afin d’immortaliser ce qui constitue une métaphore de ses illusions et de ses peurs. Pour cela, elle les solidifie dans des assemblages faits de résine et de paillettes de métal. En accumulant ces objets personnels, l’artiste tente d’exorciser tout ce qui les enrobe. Ce faisant, elle entend non seulement se débarrasser des affaires qui ont été importantes pour elle à un moment donné, mais aussi des traumatismes qu’elle a cumulés au fil des ans et qui leur sont associés.
De la même manière que certaines pierres sont réputées pour avoir des propriétés miraculeuses pour la santé, les sculptures présentées ici par l’artiste sont liées à une fonction “curative”. Le désir de se débarrasser de tout ce qui lui appartient s’incarne dans les “orgonites”, éléments théorisés par Wilhelm Reich – psychanalyste élève de Freud – qui les définit comme des transformateurs d’énergie captant un courant “orgone” cosmique et le transmutant en énergie positive qu’ils diffusent. Selon cette théorie, cette énergie vitale relie tout : animaux, objets, créatures et personnes. Ainsi, Danai Anesiadou nous montre des fragments de sa vie, aussi intimes que politiques. Elle présente, par exemple, un matelas qui, animé par un moteur, se plie et se déplie comme s’il s’agissait d’une planche à billets. Ailleurs, une machine à emballer la viande sous vide se révèle être un générateur d’images. À l’intérieur d’un triangle inversé, on peut voir un hologramme d’Elon Musk, qui nous parle de l’intérieur comme s’il reflétait une figure divine et omniprésente partout.
Inspirée par les mythes et plus particulièrement par la cosmogonie hindoue, Anesiadou voit dans le rythme frénétique de notre société un reflet de l’ère du Kali Yuga, aussi connue sous le nom d’âge de fer ou d’âge de la discorde et des ténèbres. Selon l’artiste, notre société est pervertie par l’accumulation et par une crise politique et spirituelle qu’elle assimile à une réalité inversée dans laquelle la matérialité est au-dessus de toute conscience. À travers ses sculptures, soulignées par un immense sol rouge qui ne peut s’abstraire de la visite, elle cherche donc à éliminer l’énergie négative et à tout soumettre à un principe génératif. Cependant, la production de ces orgonites purificatrices est un processus fondamentalement toxique, un paradoxe dont Anesiadou est bien consciente. •
Exposition “D Possessions” by Danai Anesiadou
Jusqu’au 23 avril 2023 at WIELS
354, Avenue Van Volxem – 1190 Forest-Bruxelles
wiels.org